Discours introductif de Jean-Louis CHAUZY

Président du Conseil économique et social régional Midi-Pyrénées

Lors du Colloque : Quelles perspectives pour le Sud-Ouest Européen ?
Toulouse, le 14 Mars 2002

 

C'est un réel plaisir pour moi de vous accueillir aujourd'hui à DIAGORA-LABEGE à l'occasion du colloque que nous organisons en partenariat avec les CESR des 5 autres régions françaises, Aquitaine, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Limousin, Poitou-Charentes et avec nos amis des CES Espagnols et des Commissions de Coordination Régionale du Portugal.

Je veux remercier tout particulièrement Monsieur Martin MALVY, Président du Conseil Régional Midi-pyrénées, pour l'aide qu'il nous a apporté afin que cette manifestation puisse s'organiser dans les conditions les plus favorables possibles ; je le remercie aussi, d'avoir bien voulu accepter d'intervenir en début de cette manifestation, ce qui est la marque de la grande attention qu'il porte à tout ce qui concerne le Sud-Ouest européen, et la coopération interrégionale.

Merci à Isabel de CARVALHO, Vice-présidente de la Commission de Coordination de la région Lisbonne et de la vallée du Tage, et à Angéla LOPEZ-JIMENEZ, Présidente du Conseil Economique et Social d'Aragon qui ont su sensibiliser et coordonner les milieux socio-économiques en faveur de ce colloque, dans leurs pays respectifs.

Je n'oublierai pas celles et ceux, présidents, animateurs, rapporteurs et témoins des différents ateliers qui vont donner du sens à nos travaux, les universitaires de Stuttgart à Saragosse à qui nous avons demandé de mettre le Sud-Ouest européen sous le projecteur de l'histoire, de la géographie, de la sociologie et de l'aménagement du territoire.

Enfin, merci à Francis MAYOS, ancien et tout nouveau Président de la section Europe-International et à tous les membres de la section, qui sont à l'origine de ce projet et qui nous ont aidé à le mener à bien.

En guise d'introduction, je commencerai par répondre à la question : pourquoi un colloque sur le Sud-Ouest européen ?

Je vous suggère deux réponses :

1/ Une prise en compte de l'espace-temps.

Depuis 1990 la Communauté Européenne réfléchit sur l'évolution des territoires qui la composent. Ces travaux ont permis l’édition de deux rapports : Europe 2000 et 2000 +.

Le CESR Midi-Pyrénées a développé sa propre vision de l'espace et fait le choix en 1993 d'une approche de coopération territoriale et de solidarité, comme le suggérait l'Europe, qui reposait sur un axe Nord-Est Sud-Ouest, concrétisé par le concept de Diagonale Continentale. Une entité géographique qui recouvrait l'espace central français et espagnol, du Massif Central au Massif Pyrénéen et au-delà jusqu'à l'Extramadure.

Le besoin d'une traversée centrale des Pyrénées était alors proposé par le CESR de Midi-Pyrénées.

Ce territoire a été soumis au débat et a fait l’objet d’une mobilisation des C.E.S.R. français et espagnols. Il a permis en 1996 l’arbitrage du gouvernement français et de l’Europe pour le programme INTERREG IIC, Sud-Ouest européen. Défendu avec énergie par les C.E.S.R. français et espagnols et par le réseau consulaire, il avait vocation à évoluer pour préparer les esprits et les décisions au programme INTERREG IIIB, Sud-Ouest européen, validé par l’Europe le 16 novembre 2001.

Depuis lors le temps a fait son œuvre et, à partir de la nécessaire démarche constitutive d'une identité véritable que fut la Diagonale Continentale, les territoires se sont redessinés par l'intermédiaire de Programmes d'initiative Communautaire, d'abord INTERREG IIC, pour aboutir à une délimitation géographique plus compacte et plus cohérente, INTERREG III et sa déclinaison IIIB Sud-Ouest européen.

2/ Une prise en compte de la réalité.

Les CESR, par leur composition, leurs fonctions doivent éclairer l’avenir, avoir une vision à long terme du territoire.

Les différents travaux que nous avons réalisés, les multiples réunions avec nos collègues effectuées, les témoignages apportés nous ont convaincu de la nécessité d'organiser un colloque sur les perspectives du Sud-Ouest Européen, qui puisse être l'occasion de mettre en rapport les acteurs économiques, sociaux, culturels et associatifs des six régions françaises, d'Espagne, du Portugal et de Gibraltar et prendre ainsi le relais de l’Etat (colloque d’octobre 1999) et de la Région (octobre 2001).

La demande s'est fait jour, nous avons pensé que le moment était opportun pour combler cette lacune.

C'est pour ça que nous sommes là aujourd'hui !

Si la Communauté Economique Européenne a mis en place les Programme d'Initiative Communautaire territorialement spécifiques, comme ceux que je viens de citer, je ne saurais oublier d'intégrer dans notre réflexion deux éléments supplémentaires :

D'une part les Fonds structurels Européens qui couvrent l'ensemble de l'espace communautaire :

* Ils s'appliquent à la plus grande partie de l'Espagne et du Portugal par l'intermédiaire de l'Objectif 1 avec de petites parties de territoire en soutien transitoire jusqu'en 2005 ou 2006, exceptés le Pays Basque, l'Aragon, la Catalogne, la Navarre, la Rioja et une partie de la communauté de Madrid, pour l'Espagne, qui sont dans l'Objectif 2 ou en soutien transitoire jusqu'en 2005.

Pour les six régions françaises qui nous occupent, la majeure partie de leur surface est dans l'Objectif 2, le reste, principalement autour des agglomérations n'est pas éligible.

Autre élément, l'évaluation de ces fonds en 2003. Cette étape nous donnera une image fidèle de l'impact de cette mesure au niveau de l'Europe et de l'intérêt qu'elle présente. Il faut garder cette dimension présente à l'esprit car les fonds structurels ont façonné et façonneront encore le développement de nos espaces.

J'y reviendrai plus loin.

* D'autre part, le "Rapport sur la Cohésion Economique et Sociale".

Le 30 janvier dernier, Michel BARNIER présentait le rapport d'étape sur la cohésion qui, au-delà de l'actualisation des données, constitue une nouvelle base de réflexion sur l'avenir de la politique régionale dans le contexte d'une Europe élargie.

La politique de cohésion pose la question sensible de la solidarité, sachant que l'arrivée de pays plus pauvres ne peut faire oublier que nombre de régions connaissent encore d'importants problèmes structurels.

En dehors de l'Objectif 1 qui gardera toute sa pertinence, la détermination par la Commission de zones éligibles semble en voie d'abandon au profit d'un modèle d'aide au développement laissant plus d'autonomie aux Etats membres et concentrant son action sur des zones répondant à des critères précis (zones urbaines, zones souffrant de handicaps naturels ou zones transfrontalières, transnationales et interrégionales), au total 5 objectifs possibles.

La construction européenne à changé la conception même de notre territoire national.

Avec l'ouverture des frontières à la libre circulation des biens et des personnes, l'aménagement ne peut plus se concevoir dans le seul cadre de l'Hexagone, pour ce qui nous concerne, ou dans le cadre purement espagnol, portugais ou encore anglais, puisque Gibraltar fait partie de la Grande-Bretagne, bien qu'étant localisé géographiquement à l'extrémité de la Péninsule Ibérique.

Il est désormais nécessaire de situer les grands équipements - permettez-moi de me répéter en citant à nouveau les traversées des Pyrénées, les choix stratégiques de nos régions dans l'espace européen et le nouveau concept soutenu par Madame de Palacio, de la traversée des Pyrénées par ferroutage.

Si nous voulons appréhender lucidement le devenir de nos territoires, nous ne pouvons ignorer les répercussions qu’aura l’élargissement de la Communauté Economique Européenne dans un futur proche, entre 2003 et 2006, puis après 2006, sur les fonds structurels et la politique agricole commune.

Le Rapport sur la Cohésion porte un éclairage cru sur les problèmes à venir. Il faudra, peut-être, des solutions de rechange ou des solutions complémentaires, si les fonds venaient à manquer !

Fernand BRAUDEL considère que la France ne s'est pas constituée sur ses façades maritimes, mais sur ses attaches continentales ; géographes et historiens nous diront ce qu'il en est, de notre pays et des pays de nos voisins.

Toujours est-il que la notion de "bassin de peuplement" permet de rattacher les régions françaises à trois grands ensembles européens : le Nord-Ouest européen, l'espace alpin et le Sud-ouest européen.

Notre Sud-Ouest, celui des six régions françaises, fait partie intégrante du grand Sud-Ouest européen.

La barrière des Pyrénées a longtemps formé une parfaite "frontière naturelle", mais l'intégration réussie dans l'Union Européenne de l'Espagne et du Portugal, et de Grande-Bretagne, dont les relations continentales passent obligatoirement par la France, fait de cet espace un nouvel ensemble européen émergent, doté d'un fort potentiel de développement qui doit servir de trait d’union avec la Méditerranée : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.

La diversité des territoires et les identités des citoyens d'Europe constituent l'un des ressorts de la compétitivité globale européenne, mais aussi le lieu d'expression des solidarités.

A court terme, d'ici 2006, la Commission devra donc réformer sa politique régionale et en faire une véritable politique de développement des territoires européens. Elle devra concentrer les fonds structurels sur les nouveaux Etats membres et sur les zones les plus en difficulté des 15, et passer d'une politique de redistribution financière et de réparation à une politique de développement durable d'un espace européen polycentrique.

Le Programme d'Initiative Communautaire INTERREG III B Sud-Ouest doit apporter un début de réponse à cette préoccupation. Il correspond justement aux limites géographiques de nos territoires, il doit permettre de prendre en compte la notion de cohésion territoriale.

Cet espace représente :

* 6 Régions françaises,
* 2 Etats, Espagne et Portugal,
* 61 millions d’habitants,
* 16% de la population de l’Europe des 15,
* 25% de l’espace communautaire.

Déclinaison du Programme d'Initiative Communautaire INTERREG III - pour les assidus du jargon communautaire nous dirons PIC INTERREG III-, le volet B a été approuvé par la Commission le 20 novembre 2001.

Il entre dans sa phase de réalisation puisque mai 2002 verra le lancement officiel de l'appel à projets, puis en Juillet ou septembre de la même année se tiendra la première réunion du Comité de Programmation qui entérine les projets pour leur financement.

INTERREG IIIB SUD-OUEST c'est l'une de ces "Petites Europes" sur lesquelles se fonde la perspective d'une Europe polycentrique définie dans le Schéma de Développement de l'Espace Communautaire plus communément appelé SDEC.

Le programme vise à développer la coopération transnationale entre autorités nationales, régionales et locales pour promouvoir un plus haut degré d'intégration dans le but de parvenir à un développement durable, harmonieux et équilibré et une meilleure coopération avec les pays candidats et les pays voisins, dont ceux du Bassin méditerranéen.

Il doit prendre en considération les priorités des autres politiques communautaires qui ont un impact territorial marqué : Réseaux Trans-Européens de Transport, en abréviation RTE-T, politique de l'environnement, politique de Recherche et Développement, R et D pour les toujours assidus du jargon communautaire.

Ayant esquissé le contexte global dans lequel nous avons à travailler maintenant et replacer certains instruments communautaires d'aide financière comme constituants de la politique de développement de notre espace, j'aborderai maintenant le domaine des acteurs.

En tant qu'organisateurs de ce colloque, représentant le monde socio-économique dans son sens le plus large, nous avons voulu rassembler les différents acteurs les plus proches du terrain, ceux dont l'expérience est prépondérante, au côté des acteurs du niveau institutionnel, Etat, collectivités territoriales et locales.

En effet, autant les échanges entre ces acteurs du terrain économique, culturel et social, dans un cadre associatif ou individuel sont à la base de la création d'activité, autant le niveau institutionnel ne peut être ignoré : il est une composante à part entière du processus de développement territorial et gestionnaire ou co-gestionnaire du programme. En ce sens nous ne sommes pas concurrents, nous sommes complémentaires.

Notre premier objectif, c'est donc de faire dialoguer les acteurs socio-économiques entre eux, leur permettre d'échanger leurs expériences et susciter des coopérations en matière économique, universitaire, dans le domaine de la recherche, de la formation et de la culture.

Notre autre objectif, c'est de faciliter le dialogue entre le milieu des entrepreneurs pris au sens large et celui des pouvoirs institutionnels, les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux ont la légitimité pour le faire.

Vous comprendrez les difficultés à gérer une manifestation interrégionale et transnationale dans une période où sur Toulouse, en 10 jours, 3 colloques sont organisés, dont 2 pour le Sud-Ouest européen. Les sollicitations sont donc nombreuses.

Notre CESR l’a fait avec ses moyens, son personnel que je salue et remercie, en plus de tout le reste et des travaux en cours.

Mais, je voudrais vous dire aussi mon émotion, notre émotion de me retrouver dans cette salle de Congrès pour la première fois depuis le 21 septembre 2001. Il y a presque 6 mois, à votre invitation Monsieur le Président de Région, je participais à la dernière table ronde du Congrès National des Comités d’Expansion, lorsque vers 10h 17, les portes de la salle ont durement claqué, 30 minutes après le Préfet de Région vous informait du drame, l’explosion de l’usine chimique Grande Paroisse : 30 morts, 2240 blessés, 18 milliards de dégâts, la ville traumatisée.

Merci de penser aux sinistrés des deux rives, aux salariés du pôle chimique et aux riverains.

Je sais la solidarité dont vous nous avez témoigné.

Je vous souhaite un bon travail, un bon séjour à Toulouse que nous avons voulu agréable pour vous, je vous donne rendez-vous pour le dîner de Gala et demain, les synthèses et le débat général.

Je vous remercie.